BETH HART & JOE BONAMASSA: Black Coffee (2018)


Aujourd’hui, nous nous débattons dans une société totalement aseptisée où il est très mal vu de s’écarter de la norme ou de vivre selon ses propres règles. Cela se répercute sur la musique actuelle qui a perdu beaucoup de spontanéité et d’authenticité. Le nouveau produit de la collaboration de Beth Hart et de Joe Bonamassa en est un parfait exemple. D’accord, la pochette est jolie avec son clin d’œil aux années cinquante. Oui, l’album est sorti chez Mascot (un label qui a fait ses preuves). Oui, le son est impeccable et on note la présence de Reese Wynans (qui a longtemps officié avec l’immense Stevie Ray Vaughan) aux claviers. Oui, Beth Hart possède une voix rauque et puissante (dommage qu’elle se dandine frénétiquement sur scène mais bon, sur un CD, c’est vrai que l’on s’en fiche un peu). Oui, Joe Bonamassa fait preuve d’une technique instrumentale incroyable (je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet, les habitués de Road to Jacksonville connaissant mon point de vue sur le guitariste bionique qui a réussi à trouver un vaccin contre le feeling). Oui, le choix des morceaux devrait plaire au plus grand nombre. On a un peu de tout, souvent enrobé de cuivres. Un slow teinté de soul avec un Joe Bonamassa qui se prend pour Gary Moore (« Damn your eyes »). Un gospel rapide et swinguant sur lequel Mister Joe lâche un solo un peu trop technique, gommant ainsi toute forme d’agressivité (« Saved »). Un slow mélodique (« Soul on fire ») avec un solo de guitare qui ne fait pas vibrer (il aurait mieux valu jouer moins de notes mais montrer plus d’émotion). Un jazz bastringue (« Why don’t you do right »). Un semblant de blues lent (la reprise de « Sitting on the top of the world » de Chester Burnett avec un excellent solo d’orgue de la part de Reese Wynans). Un titre d’Ike et Tina Turner sur un rythme sans vigueur (« Black coffee »). Une chanson funky avec un tempo lourdingue et Monsieur B. qui s’amuse à copier Jimi Hendrix (« Give it everything you got » de Jerry Lacroix et Edgar Winter. Dommage pour Edgar !). Et quelques autres morceaux relativement poussifs. Bon, on a fait le tour et tout cela devrait satisfaire un maximum de monde. Afin d’éviter une polémique, je ne descendrai pas cette production qui résulte d’un travail professionnel (et tout travail bien fait est respectable). Simplement, cet album s’inscrit dans l’air du temps. Complètement transparent, dépourvu de rugosité, sans saveur ni âme, il peut être diffusé sans problème dans un ascenseur, un supermarché ou pendant un apéritif entre amis. Et surtout, il ne s’agit certainement pas d’un album de blues ! Pas assez rude pour appartenir à cette catégorie musicale ! Attention, je ne prétends pas détenir la vérité. J’ose seulement penser que mon avis reflète celui des rockers en général. Je déclare donc sans complexe et sans honte que « Black coffee » n’est pas fait pour eux car ce café noir manque singulièrement de force.
Olivier Aubry